Patrimoine marquisien disséminé
Des objets marquisiens collectés dans les années 1930’ se trouvent aujourd’hui disséminés dans diverses institutions suisses et européennes. Une équipe du MKB tente de retrouver leur trace.
Dans le cadre d’un projet collaboratif, des objets marquisiens conservés au MKB seront prêtés à un musée à Atuona sur l’île d’Hiva Oa aux îles Marquises. En parallèle, une recherche historique est menée au sujet de ces objets. Nous tentons d’en apprendre plus sur leur parcours, du moment de leur collecte aux îles Marquises jusqu’à nos jours à Bâle. Des recherches qui s’avèrent ardues, parfois frustrantes et toujours passionnantes.
Notre but : à travers des archives, reconstituer l’histoire de cette collection, assemblée dans des conditions problématiques en 1932 par les deux jeunes bâlois, Lucas Staehelin et Theo Meier. Nous savons par exemple qu’ils ont pillé des lieux de sépulture, ce qui leur a valu l’ouverture d’une instruction judiciaire par les autorités coloniales françaises. L’exportation d’une grande partie du matériel récolté a toutefois pu avoir lieu et ils ont vendu et donné leur collection au MKB et à d’autres institutions.
Une question de recherche : où se trouvent aujourd’hui les objets qui ne sont pas au MKB?
Situer un maximum d’objets dans les différents musées européens nous permet d’apporter des informations transparentes à la fois aux responsables politiques des îles Marquises et aux scientifiques des institutions muséales.
À grand renfort de comparaison de listes d’archives, nous sommes parvenu-e-s à localiser des objets ramenés par Lucas Staehelin et Theo Meier dans 5 institutions muséales européennes
Muséum d’histoire naturelle, Bâle
Notre enquête nous a d’abord mené-e-s dans une institution voisine du MKB : le muséum d’histoire naturelle de Bâle (NMB). Nous y avons entre autres trouvé des crevettes, des mille-pattes, divers poissons, des escargots ainsi que des araignées (mais pas d’oiseaux, pour le bien de mon ornithophobie). Il n’était pas rare pour les collectionneuses et collectionneurs européen-ne-s de ne pas se limiter à une discipline. Dans son journal de bord, Lucas Staehelin en vient même à raconter de manière très romancée comment une araignée qu’il chassait, poussée dans ses retranchements, se serait donnée la mort. Selon nos collègues du NMB, aucune preuve scientifique n’existe pourtant de cas de suicide chez les animaux…
Musée d’histoire de Berne
Suite à un envoi d’objets en 1933, c’est le musée de Bâle lui-même qui a vendu une dizaine de « doublons » de la collection au musée d’histoire de Berne (BHM). 15 autres items ont été achetés par ce musée en 1935 directement auprès de Theo Meier grâce à un prêt externe. On y trouve aujourd’hui notamment une couronne, des bijoux, divers objets de pierre.
Musée du château de Burgdorf
Theo Meier, qui était peintre, avait réuni diverses personnes autour de lui en ce qu’il appelait le « club des idiots ». Il promettait de leur livrer une peinture en échange d’une avance pour financer le voyage. Le directeur du musée de Burgdorf d’alors, n’ayant jamais reçu de peinture (ou une peinture qui ne lui convenait pas), avait obtenu en dépôt un crâne trépané. Celui-ci a retrouvé le chemin de Bâle en 1970. 6 autres objets, dont les conditions d’arrivée à Burgdorf restent un mystère, s’y trouvent aujourd’hui encore.
Saint-Gall
Lucas Staehelin ayant proposé en 1934 à l’ancien musée ethnologique de St-Gall d’y tenir une conférence, le musée lui a demandé s’il pouvait lui acheter une partie de sa collection. 6 objets, dont un échantillon de corde, un pilon et divers coquillages s’y trouvent aujourd’hui.
Paris
Ce sont deux lettres trouvées au Muséum d’histoire naturelle de Paris qui nous ont permis de retrouver la trace d’une partie de la collection en France. On y apprend que Theo Meier a approché en 1935 le Musée de l’homme à Paris, ancêtre du Musée du Quai Branly. Une donation de 106 éclats de pierre y est enregistrée au nom d’un certain Théodore Meier. Cette faute dans l’inventaire nous avait de prime abord induit-e-s en erreur et causé d’interminables cogitations infructueuses…
Et la suite ?
Il est difficile de quantifier les objets marquisiens rapportés par Lucas Staehelin et Theo Meier aujourd’hui répartis dans les collections européennes. Plus de 500 objets se trouvent au MKB. Plusieurs dizaines voire centaines ont probablement été disséminés dans d’autres musées et vraisemblablement aussi sur le marché de l’art. Les recherches continuent, nous avons du pain sur la planche.
Notre travail repose sur un important réseau constitué de professionnel-le-s de musée, d’archivistes, de chercheuses et chercheurs, mais aussi de personnes privées. Sans ces personnes, il nous serait impossible de reconstruire aujourd’hui l’histoire de cette collection.
Qu’elles et ils en soient remercié-e-s à cette place.